|
Centrales
nucléaires ; le Progrès disaient-ils !
L’effroyable
catastrophe japonaise nous le rappelle dramatiquement : aucune
réalisation humaine n’atteindra
jamais la perfection. Les discours sécurisants des apprentis
sorciers exploitant l’énergie nucléaire sont battus en brèche par la
tragique réalité.
Ce cataclysme évoque ainsi en moi quelques souvenirs. Dans une autre
vie politique, en qualité de Conseiller provincial démocrate-chrétien,
j’ai eu l’opportunité de participer aux débats concernant les énergies.
En cause, notamment, l'octroi de la garantie provinciale à un emprunt
global d'un milliard 200 millions de francs, destiné à l'achat d'une
tranche d'énergie nucléaire
par l’intercommunale SOCOLIE en copropriété avec INTERCOM.
Si vous avez la patience de les lire, je me permets de vous livrer
ci-après, tels quels, deux extraits de mes interventions à la tribune
du Conseil provincial, en
opposition à la majorité PS – PSC dont je faisais partie.
Faut-il rappeler que ces prises de position m’ont valu à l’époque
d’être honni par les leaders du partenaire socialiste et d’être écarté
d’une place utile sur les listes électorales de mon parti.
Cela se passait en 1978, c'est-à-dire :
- 2 ans avant la
création du parti Écolo.
- 5 mois avant l’accident nucléaire de Three Mile Island
aux États-Unis.
- 7 ans avant la catastrophe de Tchernobyl en
Union Soviétique.
- 32 ans avant le désastre de Fukushima au Japon.
- ? ans avant ?
C‘était du temps où en
politique, nous étions jeunes,
naïfs et inconscients. Jugez-en plutôt par vous-mêmes.
Pascal
ÉTIENNE.
Le 31 mars
2011.
|
|
|
Séance
publique du Conseil Provincial de Liège du 11 octobre 1978
Compte-rendu
analytique, p. 223
… Je poursuivrai par
quelques réflexions à propos d'un secteur vital, l'énergie, dont les
problèmes sont ignorés dans le rapport. Voyons-les en premier lieu sous
l'angle des économies. J'ai relevé au budget 1979 une somme de
plus de 40.000.000 de francs consacrée à l'achat de combustibles,
compte non tenu des institutions para-provinciales et des fournitures
pour les Intercommunales.
- A-t-on demandé au
Service des Bâtiments d'étudier un plan visant à améliorer l'isolation
de tous les bâtiments provinciaux et le rendement des installations de
chauffage ?
- Cette
préoccupation est-elle
suffisamment prise en considération lors de travaux d'aménagement, de
réfection ou de construction de nos bâtiments ?
- Il s'agit là
d'investissements
rentables dont la répercussion sur l'emploi n'est pas négligeable et
dont certains peuvent s'effectuer par l'intermédiaire du cadre spécial
temporaire.
- D'autre part, la
Province
disperse-t-elle ses sources d'approvisionnement ou conclut-elle un
contrat global pour l'achat de combustibles qui devrait lui permettre
de bénéficier de tarifs privilégiés ?
Un second domaine qui me préoccupe est
celui des énergies appelées alternatives ou assez paradoxalement
« nouvelles », alors que ce sont les plus anciennes connues
de l'homme. Il s'agit plutôt de « techniques » nouvelles de
captation et de stockage de ces énergies.
- Outre notre
participation à la S.D.R., quelle contribution envisageons-nous
d'apporter à l'essor de ces nouvelles techniques ?
- Veillons-nous à
ce que des entreprises de notre région soient présentes sur ce marché
naissant ?
- Les pouvoirs
publics ne doivent-ils
pas jouer un rôle pilote en ce domaine ? Dès lors, pourquoi ne pas
promouvoir des expériences dans le cadre de nos propriétés
provinciales ?
Je conclurai par quelques mots sur une
forme d'énergie contestée : le nucléaire.
Plusieurs de nos
communes sont directement concernées par ce problème, qui devrait
d'ailleurs nous interpeller tous, tant il conditionne l'avenir même de
notre société. Alors que dans ces communes, les sections de nos partis
respectifs se sont souvent prononcées sans équivoque, le grand débat
parlementaire sur le sujet, promis depuis longtemps, est constamment
reporté.
Allons-nous aussi nous
débiner indéfiniment ? …
Séance
publique du Conseil Provincial de Liège du 19 octobre 1978
Compte-rendu
analytique, p. 457
… Oui ou non au
nucléaire ? Et pourquoi ? Et ici, permettez-moi quelques
considérations. Sans aller au fond du problème, quelques questions
peuvent néanmoins être posées.
En 1974, l'Union des
Exploitants Électriques de Belgique écrivait en conclusion de ses
statistiques :
« Les entreprises d'électricité
responsables de la pérennité du service d'intérêt public qu'elles
assurent se doivent de poursuivre et d'amplifier leur programme de
construction des centrales nucléaires. Nous restons persuadés que
l'opinion publique rejettera les tentatives qui sont faites pour
l'affoler, par ceux qui au lieu de collaborer à une amélioration des
techniques d'utilisation dans le domaine nucléaire, ne cherchent, à
travers leur combat, qu'à ravaler notre économie au niveau de celles
des régions les plus déshéritées de notre monde. Ils oublient qu'une
égalité dans les conditions de vie se recherche dans le progrès, une
amélioration du bien-être, et non dans la généralisation de la misère
et du sous-développement ».
- Serait-ce donc là
l'alternative : les centrales nucléaires ou le
sous-développement ?
- Constatons
d'abord que des pays
comme l'Iran ou le Brésil, bien que possédant des centrales nucléaires
n'en sont pas moins sous-développés. D'autre part, agiter le spectre du
sous-développement et se préoccuper soudain du progrès social n'est-il
pas suspect de la part de financiers qui ont toujours été le principal
obstacle à ce progrès ? Faut-il rappeler toutes les luttes,
grèves,
etc. qui ont accompagné chaque conquête sociale ?
- Par ailleurs, en
quoi la consommation accrue d'énergie est-elle nécessairement un signe
d'augmentation du bien-être ?
- Rien n'est en
effet moins évident.
Ces déclarations outrancières cachent mal les intérêts financiers
sous-jacents à ces décisions. Est-il seulement possible d'imaginer que
l'on pourrait étendre à l'univers, le mode de consommation des
Américains quand on sait qu'ils consomment en moyenne deux fois plus
d'énergie qu'un Européen et 27 fois plus qu'un habitant du
Tiers-monde ?
- Au contraire, la
crise ne doit-elle
pas nous inciter à envisager une révision fondamentale de notre mode de
vie qui permettrait par ailleurs le développement du Tiers-monde ?
Voyons également quels avantages, ses
promoteurs reconnaissent au nucléaire.
- L'indépendance
énergétique :
- avons-nous des
gisements d'uranium exploitables en Belgique et en Europe ?
- sait-on combien
de temps une
centrale nucléaire doit produire avant d'avoir compensé la consommation
d'énergie nécessaire à sa construction ?
- Prix de revient
peu élevé ; a-t-on comptabilisé à leur juste valeur :
- les coûts de la
recherche : plus de 2 milliards en 1975 à charge de la
collectivité ;
- les coûts du
rejet thermique : qui financera la construction de barrages pour
soutenir l'étiage de la Meuse, par exemple ;
- les coûts
sociaux : le traitement
et le stockage des déchets, de démantèlement des réacteurs,
l'immobilisation, la remise en état des sites, les assurances qui n'ont
aucune commune mesure avec les risques encourus en cas d'accident
grave ;
- les coûts de
contrôle, de protection, de soins de santé ?
Par ailleurs,
- A-t-on étudié
quels pourraient être les résultats d'une politique qui consisterait à
orienter la recherche et les investissements vers la mise au point
d'énergies alternatives, la réduction des gaspillages par les
transformations successives, la mise au point de procédés de
fabrication énergétiquement plus économiques ?
- Croyez-vous que
la politique
énergétique de M. CARTER qui va dans ce sens a pour objectif de
provoquer le sous-développement des États-Unis ?
- Ne voilà-t-il pas
suffisamment de questions qui justifient un débat parlementaire et
pourquoi pas un débat provincial ?
- N'est-ce pas
suffisant pour nous
inciter à la prudence ? Nous pourrions, nous devrions encore y
ajouter
toutes les conséquences concernant l'environnement.
Pour ma part, en tout cas, face à ces
interrogations capitales, je ne peux, en conscience, marquer mon accord
sur la proposition de la Députation permanente qui consiste à mettre le
pied dans un engrenage que certains voudraient irréversible…
|
|