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Hurler
avec les Loups ?
Des récentes décisions
de justice ont provoqué parmi la population de multiples réactions
auxquelles se sont jointes de nombreuses voix politiques. Surfant sur
l’émotion légitime du moment, celles-ci ont de la sorte contribué à
alimenter les propos, parfois compréhensibles, souvent intolérables dans un
État de droit quand ils font appel à la vengeance, la violence ou la
haine.
La démocratie consisterait-elle pour les mandataires politiques à relayer les discours les plus
médiatisés, les plus virulents, de concitoyens dont rien par
ailleurs ne nous dit qu’ils constituent une majorité ? Nous ne le
pensons pas.
En ces temps électoraux, il est de la dignité et de la responsabilité
des candidats de faire œuvre de réflexion, voire d’éducation. Aussi,
serions-nous des marginaux de la classe politique, nous nous refusons catégoriquement à
« hurler avec les loups ».
C’est pourquoi nous nous permettons de soumettre à votre réflexion
cette lettre ouverte qui nous a été transmise
par un ami dès le début de ce déferlement médiatique.
Nous ne savons pas si elle a été largement publiée, mais puisse-t-elle
nous aider à apporter à ce débat la
sérénité et l’humanité qui, ces derniers temps, n’ont trop
souvent été que l’apanage des professionnels de la justice et autres
experts.
Pascal
ÉTIENNE.
Le 31 août
2012.
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LETTRE
OUVERTE
La régression humaniste : du pardon… à
la vengeance… ?
À quand la
prochaine régression humaniste ? La question me semble posée par
ce qui se vit depuis une semaine : l'humanisation avait consisté à
passer de la vengeance à la loi du talion, et plus tard, au pardon…
Nous avons sérieusement enclenché la marche arrière. Rappelez-vous !
Dans la nuit du
2 au 3 février 1975, après l'assassinat de son épouse, Julos Beaucarne
lançait cet appel : Sans vous
commander, je vous demande d'aimer plus que jamais ceux qui vous sont
proches ; le monde est une triste boutique, les coeurs purs doivent se
mettre ensemble pour l'embellir. Il faut reboiser l'âme humaine. (…) à
vous autres, mes amis d'ici-bas, face à ce qui m'arrive, je prends la
liberté, moi qui ne suis qu'un histrion, qu'un batteur de planches,
qu'un comédien qui fait du rêve avec du vent, je prends la liberté de
vous écrire pour vous dire à quoi je pense aujourd'hui : Je pense
de toutes mes forces qu'il faut aimer à tort et à travers.
Dans « Vers
l'Avenir » de ce 4 août 2012, 16 ans après les événements atroces
qu'il est bien inutile de rappeler, je lis, éberlué, que les
manifestants (?) de Malonne ont applaudi des phrases de ce style :
« Comment peut-on pardonner et
laisser à Michèle Martin une seconde chance ? A-t-elle laissé une
chance aux enfants ? Non! » et encore « A Mort Michelle ! » ou « La Loi du Talion » et « L'Église n'a pas à s'occuper de choses qui
ne la concernent pas ». Et comment peut-on affirmer
d'autorité et sans n’avoir jamais eu le moindre contact avec
Mme Martin : « Elle
continue à manipuler. Elle bénéficie d'un traitement de faveur, car
elle ne répond pas aux conditions… »
Qui sommes-nous
donc pour juger ainsi sans savoir, sans connaître, sans faire la
moindre confiance aux personnes qualifiées qui ont côtoyé
Mme Martin au long de ses 16 années de prison et accordé une
libération conditionnelle après plusieurs refus ? Qui sommes-nous
pour ainsi jeter les premières pierres sans le moindre scrupule ?
Qui sommes-nous pour déclarer qu'il est évidemment impossible que 16
ans de prison puissent pousser quelqu'un à faire le point sur lui-même
et prendre conscience des atrocités qu'il a pu commettre ? Qui
sommes-nous pour dénier à des religieuses le droit de pallier
aujourd'hui aux carences de la société, tâche que les communautés de
croyants ont accomplie tout au long des siècles ? Et si c'étaient
elles, les religieuses de Malonne, qui tenaient le bon bout, en
essayant de reboiser notre âme humaine, même profondément blessée comme
celles des parents des enfants décédés dans la cave sinistre ?
Qui sommes-nous
donc ? En 2009, à la tribune des Nations Unies, le rapporteur
spécial pour le droit à l'alimentation, le Suisse Jean Ziegler
affirmait qu'un enfant de moins de dix
ans meurt de faim toutes les cinq secondes. Ne sommes-nous pas
alors, collectivement, des personnes indignes de vivre, de sortir de
prison, de ne jamais pouvoir bénéficier d'une seconde chance ? La
plupart d'entre nous, y compris celles et ceux qui manifestent ces
jours-ci, nous nous bouchons les oreilles, nous nous taisons dans
toutes les langues sans jamais réclamer de nos femmes et hommes
politiques d'utiliser les pauvres leviers en leurs mains pour faire
changer de cap ce système qui laisse mourir de faim des centaines
d'enfants chaque jour ? Les petites somaliennes, les petites
hindoues, les petites péruviennes, toutes les fillettes, tous les
garçons des pays où règne la famine ne sont-ils pas des humains comme
les enfants européens ? Leurs vies valent-elles moins que les
nôtres ? Un certain Hitler le prétendait il y a un peu moins de 70
ans…
On l'a rappelé
des dizaines de fois dans les journaux parlés et télévisés de cette
semaine : c'est un crime abominable et intolérable que
Mme Martin a commis il y a 16 ans en laissant mourir de faim les
petites Julie et Mélissa. Mais est-ce en manifestant contre les
courageuses religieuses que nous reboiserons l'âme humaine dans cette
triste boutique qu'est souvent notre monde ? Est-ce nous entraider
à aimer à tort et à travers ? Et aimer à tort et à travers…
n'est-ce pas la seule vraie porte de sortie ?
Arthur Buekens
Samedi 4 août 2012 –
22 h 30
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