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« … D’où le fait que lors de son
OPA sur Arcelor en 2006, au moment où les Français menaçaient de fermer
leurs sites wallons, Lakshmi Mittal a fait figure de sauveur en
Wallonie. Mais son ambition de relancer le bassin sidérurgique liégeois
en prenant le contrôle d’Arcelor n’a été perçue dans ces termes-là que
par ceux qui voulaient y croire. Pour tout groupe industriel, chaque
investissement est conçu comme une source de profit lorsqu’il est
effectué et devient une variable d’ajustement lorsque l’évolution du
marché le commande.
… De la manière dont il est conçu, c’est-à-dire en ne conditionnant pas
les aides à des engagements contraignants en matière d’emploi ou
d’investissement, le système invite à en tirer profit : il organise la
recherche de profit, il la consacre par le droit, il est expressément
destiné à séduire les entreprises qui, sans lui, renonceraient à
investir.
… Loin que les patrons voyous soient des hors-la-loi qui bafouent les
règles du système, ce sont des procéduriers qui s’engouffrent dans le
système pour en utiliser toutes les ressources et, le cas échéant, pour
en exploiter également les failles en les transformant en ressources.
… Si l’on veut moraliser le système, il ne suffira pas de s’attaquer
aux individus ou de dénoncer leurs choix après coup. Il faut réfléchir
à des contreparties efficaces, c’est-à-dire, dans certains cas,
contraignantes, et donc tenter de les mettre en place au niveau
européen, puisque le rapport de force est défavorable aux pouvoirs
publics à l’échelle régionale ou nationale étant donné la capacité des
entreprises à exercer un chantage à la délocalisation. »
Vincent de Coorebyter
Extraits de « Mittal, patron voyou ? »
Le Soir, 30-01-2013
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Mittal,
patron voyou ?
L’annonce brutale
de la fermeture d’outils
sidérurgiques par Arcelor-Mittal a considérablement choqué la
population de notre région. Le monde politique n’étant pas en reste, ça
et là, des insultes ont fusé. Sous le coup de l’émotion, on a même vu à
Liège des libéraux évoquer la nationalisation.
Dès lors, on ne s’étonnera pas de voir fleurir dans de nombreux
Conseils communaux, des motions
d’indignation et de soutien aux travailleurs.
À l’initiative du PS, ainsi en fut-il à Soumagne lors du dernier
Conseil. Soyons francs. Quoiqu’amendable et au-delà du fait regrettable
que le texte ne nous ait pas été communiqué avant la réunion,
personnellement, j’ai voté cette
motion sans grande conviction.
Cela dit, une motion, ça ne mange pas de pain, mais quelle est son
utilité ? Sur la décision de Lakshmi Mittal, sans le moindre
doute, aucune ; un
encouragement à se mobiliser pour dégager une solution, peut-être ; un peu de baume
sur le cœur des familles des travailleurs victimes, espérons-le.
Car en ces temps économiques troublés, fallait-il vraiment s’en étonner ?
Comme dit ces derniers jours : « pour assouvir sa faim, il est dans la
nature d’un loup de croquer les agneaux ou d’un renard d’égorger les
poules. De même, pour assouvir sa faim de profit, il est dans la nature
d’un grand capitaliste de licencier des travailleurs s’il le juge utile ».
Faut-il dès lors incriminer le loup, le renard, le capitaliste, ou
plutôt celui qui l’a laissé
pénétrer dans la bergerie, le poulailler ou l’entreprise ?
Souvenons-nous de l’accueil réservé à M. Mittal quand il a racheté
Arcelor. Mais pouvait-on faire autrement ? Laissons aux
protagonistes le bénéfice du doute.
Actuellement, on s’indigne de la capacité de Lakshmi Mittal à profiter
du système belge pour engranger un maximum de subsides et payer un
minimum d’impôts, notamment grâce aux intérêts notionnels. Certes,
c’est un système ultra-capitaliste instauré à l’initiative de
M. Reynders, mais les
parlementaires PS ont voté cette loi !
Ironie du sort, M. Di Rupo lui-même n’était-il pas le jour même de
l’annonce, devant un cénacle de grands capitalistes étrangers réunis à
Davos, en train de vanter le
système fiscal belge favorable à leurs intérêts ?
Par ailleurs, Albert Frère, le Mittal belge ayant fondé sa fortune
colossale sur le dos de la
sidérurgie wallonne n’a-t-il pas en reconnaissance été anoblit
au rang de Baron par les autorités publiques ?
Et puisque nous sommes en Belgique, ne nous y illusionnons pas sur les
mécanismes de solidarité. Tout observateur averti l’aura
constaté : si Ford Genk était une tragédie nationale, la
sidérurgie liégeoise est un problème wallon.
Aussi, loin de jouer les matamores, nos dirigeants politiques seraient
bien inspirés de faire humblement leur mea-culpa, sinon d’avouer les limites de leur
pouvoir !
Pascal ÉTIENNE
Janvier 2013
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