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« La vérité en politique est
contre-stratégique. Il n’est pas possible de dire la vérité, ou alors
il faut être dans l’opposition, car n’étant pas aux affaires, on a
moins besoin d’occulter sa propre inefficacité »
Gérald PANDELON
Avocat, auteur d’une thèse sur le mensonge en politique
Le Soir, 04/04/2013
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Éloge ou
Blâme du Mensonge ?
Des tribulations
Lance Amstrong à l’affaire Jérôme Cahuzac, le mensonge a fait la une de
l’actualité ces derniers temps. Ces événements ont mis en lumière l’engrenage infernal, jusqu’à
l’absurde, dans lequel s’enferrent ceux qui n’ont trouvé d’autres
ressources que le mensonge pour se défendre d’une action délictueuse.
Mais quel est le statut du
mensonge en politique ?
- Est-il
naturel
puisque les psychologues nous disent que chaque individu ment chaque
jour « au minimum 2 à 3 fois »
(1),
« peu ou prou 3 à 4 fois »
(2) ou
« en moyenne 7 fois »
(3) ?
- Est-il
un art
comme le décrivait déjà en 1733 le pamphlet « L’art du mensonge politique » (4) ?
- Est-il
tabou
au point qu’il est
inadmissible de le suggérer dans une assemblée officielle, tel que par
le passé, j’en ai fait l’expérience lors de mon premier mandat ?
- Est-il
inhérent aux
structures
puisqu’« il y a une règle non
écrite en politique selon laquelle un
parti doit paraître uni, quelles que soient les circonstances. Or ce
“paraître” nécessite un nombre incalculable de mensonges » (5) ?
- Est-il
obligatoire
puisqu’« un politicien qui ne
sait pas utiliser le mensonge est voué à l’échec » (5) ?
Quoi qu’il en
soit, de nombreux autres écrits semblent l’attester : ses
avantages sont tels que le mensonge politique est inéluctable. On se
doit donc d’accorder à leurs auteurs des circonstances atténuantes
d’autant plus que « le mensonge
vole, et la vérité ne le suit qu’en boitant » (6 p.85).
Néanmoins, même si « le moyen le
plus propre et le plus efficace pour détruire un mensonge est de lui
opposer un autre mensonge » (4 p.72) et qu’« il n’y a point d’homme qui débite et
répande un mensonge avec autant de grâce que celui qui le croit »
(4 p.64), il
n’en reste pas moins « un abus de confiance »
(5).
Mais, « Contre une triche
peut-on gagner sans tricher ? » (7 p.77) se demande Jean-François
Kahn, tandis que Jean-Claude St-Louis remarque « Les politiciens qui sont les plus habiles
menteurs sont ceux qui durent le plus longtemps et qui obtiennent le
plus de succès » (5) et « pourquoi le mensonge est-il
rentable ? Tout simplement parce que le peuple le récompense »
(5).
Dès lors, nous en serions collectivement
responsables et peu d’entre nous seraient habilités à faire la
leçon aux autres. Par exemple, le PS français qui a exclu à vie M.
Cahuzac est-il plus honnête ou simplement plus hypocrite que le PS
wallon qui, après de multiples affaires, garde en son sein toutes les
brebis galeuses ?
Notons cependant dans toute cette littérature quelques réflexions réconfortantes.
Ainsi, à défaut de valeurs morales, peut-on espérer faire partie de la
catégorie suivante : « Si
l’on remarque que quelqu’un des membres de la société rougisse, perte
contenance ou manque dans une circonstance nécessaire en débitant le
mensonge, il faut l’exclure et le déclarer incapable ». (4 p.65)
Si tel n’est pas le cas, il nous reste la possibilité de nous réjouir
de notre position dans l’opposition, car si Gérald Pandelon dit vrai, cette situation nous permet sans
problème de dire la vérité.
Puissions-nous ne pas en abuser !
Avril 2013
(1) Pascal Neveu, psychanalyste et
psychothérapeute, Huffingtonpost, 03/04/2013
(2) Benoît Frydman, directeur du
Centre de philosophie du droit de l’ULB, La Libre Belgique 05/04/2013
(3) Gérald Pandelon, précité
(4) L’art du mensonge politique,
1733, attribué à Jonathan Swift. Éditions Jérôme Million, 2011
(5) Le mensonge en politique,
Jean-Claude St-Louis, albertportail.info, 23/03/2007
(6) Essai sur l’art du mensonge
politique, 1710, Jonathan Swift. Éditions Jérôme Million, 2011
(7) Menteurs ! Jean-François
Kahn, Plon, 2012
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