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Méthode
globale
En chacun de nous, la rentrée des classes évoque notre
propre première rentrée. Pour ma part, ce fut en 1948 du temps où
Évegnée et Tignée étaient encore deux communes distinctes.
Dans notre petite école, commune aux deux villages, nous fûmes les
premiers à expérimenter sommairement la méthode analytique, dite globale,
d’enseignement de la lecture par laquelle on aboutit à la compréhension
à partir d’un ensemble de mots.
C’était évidemment en opposition
à la méthode syllabique dans laquelle on part de la lettre pour
aboutir aux mots en passant par les syllabes.
Je ne suis pas qualifié pour discourir sur les avantages et
inconvénients pédagogiques de ces méthodes, mais entre autres vertus,
la méthode globale était censée correspondre
à l’observation telle qu’on la pratique dans la vraie vie et à
orienter notre raisonnement dans ce sens. Pour l’illustrer, prenons un
exemple simple.
- Si je
compare les différents moyens de locomotion pour me rendre à Liège, je
constate que la voiture est la plus rapide. Dès lors, en raisonnant à
partir de cette situation
individuelle, je revendique la construction de routes et
autoroutes convergeant vers la ville et j’affiche fièrement :
« ma voiture, c’est ma liberté ».
- Si nous sommes des dizaines de
milliers à faire le même raisonnement, on aboutit à
l’engorgement de la
ville et la voiture devient plus lente que le vélo. En raisonnant
globalement, nous aurions fait ce constat au préalable et plaidé pour
le développement des transports en commun.
On peut évidemment
appliquer ces deux modes de pensée à d’autres domaines. Évoquons
brièvement deux sujets relatifs à l’emploi.
1. Au sein d’un pays :
- Si un jeune
chômeur particulièrement débrouillard décroche un emploi, certains en
concluent qu’il suffit « d’activer »
les chômeurs pour éradiquer le chômage.
- Si
on examine globalement le nombre
d’emplois disponibles, on constate qu’ils sont moins nombreux que les
chômeurs. Cette situation est donc comparable au jeu de la chaise
musicale. Quels que soient la qualification, le dynamisme ou la volonté
de chacun, un certain nombre d’entre eux sont condamnés à rester sur le
carreau.
2. Au niveau de
la « Mondialisation » :
- Si un pays,
par exemple l’Allemagne, réduit les salaires de ses travailleurs, il améliore sa compétitivité,
augmente ses ventes, ses exportations et par conséquent son volume
d’emplois. En raisonnant à partir de ce cas individuel, on déclare
« les réformes néo-libérales sont la solution à la crise
économique ».
- Si
chaque pays dit « développé » de
notre planète fait de même, le degré de compétitivité entre eux reste
constant et la situation
économique stagne, exception des travailleurs
qui s’appauvrissent. En raisonnant globalement, on s’orientera plutôt
vers un système économique qui assurera durablement la prospérité des
uns sans se fonder sur l’exploitation ou la misère des autres, actuels
ou futurs.
En multipliant les
exemples, on peut dès lors s'interroger. Comment comprendre que de
brillants esprits puissent encore aujourd’hui continuer à promouvoir la
priorité à la voiture, l’accroissement
des inégalités, la
régression de la sécurité sociale, la construction de centrales
nucléaires ou la privatisation de tous les services publics comme
solution à tous nos maux ?
Récemment, Michel Delbaere, président de l’association des patrons
flamands VOKA, nous donnait
naïvement la réponse. « Nous ne défendons pas
des intérêts, mais simplement, l'intérêt général »,
déclarait-il dans une interview à la presse (1).
Puisque, selon leur raisonnement, les intérêts particuliers des
possédants se confondent
avec l’intérêt général, on ne voit pas pourquoi ils changeraient de
mode de pensée.
Hélas, cette réflexion de M.
Delbaere n’est pas la blague du week-end comme l’a ironiquement laissé
entendre le professeur Pascal Delwit (2), mais le fondement de la politique que
l’on tente sérieusement de nous imposer.
Pascal
ÉTIENNE.
Le 2 septembre
2014.
(1) Le Soir du
23/08/2014
(2) Twitter.com/PDelwit
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