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L'image
du mois
Bruxelles ensanglanté
(Dessin de Johan De Moor
publié dans «Le Soir du 23/03/2016)
Attentats et Politique
Pour des raisons diverses de priorité, j’ai mis ces rubriques en
veilleuse quelque temps. Depuis, l’actualité politique n’a pas chômé et
a été hélas dominée sans conteste par la tragédie de Bruxelles. Dès
lors, comment ne pas accorder en premier lieu nos pensées aux
nombreuses victimes innocentes et à leurs familles ?
Au-delà de l’émotion, une question lancinante continue cependant de
s’imposer à nous : pourquoi cette violence abjecte ? Quand on
soumet cette question aux « experts », il apparaît évident qu’il n’y a
pas de réponse simple, encore moins de réponse simpliste comme il est
parfois suggéré.
Du sort injuste réservé depuis de nombreuses années au peuple
palestinien au chaos instauré en Irak et en Libye par les interventions
militaires occidentales, en passant par la guerre d’Afghanistan, les
révoltes face aux dictatures sévissant dans les pays arabes et la
guerre en Syrie, soit autant de causes complexes de la frustration des
populations musulmanes exploitée sans vergogne par des activistes
délirants.
S’y ajoutent les problèmes internes à nos pays européens : les
ghettos de populations immigrées en défaut d’intégration, leurs
problèmes économiques, sociaux et identitaires. À titre d’exemple, la
Région bruxelloise attire chaque jour plus de 300.000 navetteurs du
pays entier, alors que le taux de chômage de la jeunesse locale, issue
principalement de l’immigration, atteint des sommets vertigineux.
Alimentée de surplus par les effets pervers de la mondialisation, cette
situation aurait pu comme au siècle passé engendrer manifestations ou
émeutes. Probablement, notre sécurité sociale a-t-elle mis un couvercle
sur cette marmite en train de bouillir, mais n’a pu empêcher ce nouveau
phénomène du terrorisme aveugle.
Leurs auteurs peuvent-ils pour autant se prévaloir d'une quelconque
excuse ? Ce serait trop facile. D’ailleurs, c’est en prenant naissance
dans une délinquance urbaine (alcool, drogue, vols, agressions armées,
etc., soit des interdits de leur religion familiale) que le passage à
l’état adulte de ces jeunes désorientés s’est manifesté aussi
dramatiquement.
Car ne nous y trompons pas : ce ne sont pas des adolescents
immatures endoctrinés dès leur plus jeune âge qui sacrifient leur vie
dans ces actions criminelles. Au contraire, ce sont souvent des adultes
nés chez nous, proches de la trentaine ou l’ayant atteinte.
Sont-ils fous ? Cela ne paraît pas possible à une telle
échelle. S’ils
sont aussi nombreux à rechercher une nouvelle utopie en «
se
convertissant au djihadisme », comme disent certains experts, la
lucidité nous impose d’admettre qu’il s’agit
d’un phénomène de société.
Alors que doivent faire nos élites politiques ?
- Chercher des coupables dans les autres partis ?
À quoi bon ?
- Gaspiller l’argent
public en déployant des militaires dans les rues alors
que l’expérience et le bon sens prouvent à suffisance l’inefficacité
d’une telle mesure dès lors que les auteurs des attentats terroristes
ont décidé de s’immoler ?
- Faire des déclarations
triomphalistes et jubilatoires pour s’attirer
les félicitations du monde entier, comme on a pu le voir après la
capture dérisoire d’un triste individu dont le nom et le rôle
ont été
démesurément médiatisés ?
- Perdre son temps en
ajoutant la stupidité à l’horreur en imaginant
des mesures symboliques et risibles, telles des peines incompressibles
pour des terroristes candidats au suicide ?
- Prendre une posture
théâtrale dans des simulacres de démission ?
- Tenter de reporter sa
responsabilité sur un fonctionnaire quelconque ?
- Organiser des
conférences de presse, participer à des manifestations pour se
justifier ?
N’en déplaise aux « rambos
de la politique », dénoncés ici même, et à qui les terroristes se
sont chargés de donner une terrible leçon d’humilité, l’histoire nous
apprend qu’un problème social ou sociétal n’a jamais été résolu par la
seule répression. Tuer un terroriste en crée quelquefois deux autres.
Quoique ce soit moins spectaculaire, investir dans la prévention
éducative et sociale, ainsi que, terrorisme oblige, dans les services
de renseignements, semble donc la meilleure réponse.
Cette option demande néanmoins d’autant plus de courage politique que
le gouvernement actuel n’a cessé de pratiquer l’inverse. En
affaiblissant la puissance publique dans un État déliquescent et en
amplifiant les inégalités sociales, il marche hélas à reculons de
l’histoire.
Pascal ÉTIENNE
Soumagne, le 28 avril 2016
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