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« Les
gens admirent les princes et les stars : la presse people ne
marche que là-dessus. Et les commentateurs sportifs passent leur temps
à s’étourdir des sommes faramineuses des transferts. Plus les gens
gagnent de l’argent et plus le peuple est admiratif. C’est un phénomène
qu’on a qualifié de “servitude volontaire” ».
Jean-Marie BROHM
Professeur émérite de sociologie à l’Université de Montpellier III
« Le Soir » du 04/08/2017
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De la Rémunération des Vedettes L’histoire
footballistique a beau se répéter, je ne m’accommoderai jamais de ces
transferts du siècle successifs. Toujours plus cher, toujours plus
démesuré, toujours plus indécent.
Les compteurs s’affolent : à 22 jours de la fin des transferts de
l’été, les grands clubs des cinq pays européens les plus en vue ont
déjà dépensé 3,3 milliards d’euros. (1)
Au pays des esclaves de luxe, le footballeur Neymar vaut 222 millions
d’euros. Et selon l’acheteur, il a fait une bonne affaire tout en
octroyant au mercenaire une rémunération nette évaluée à 2,5 millions
d’euros/mois !
Et comme le signale le professeur Brohm, plus les gens gagnent de
l’argent et plus le peuple est admiratif. Les amateurs de foot
acceptent de se faire abreuver de publicité pour voir les matchs à la
T.V., tandis que les fans se ruent par milliers sur les maillots à
l’effigie du champion vendus 100 € pièce, soit 10 fois leur valeur
intrinsèque quand ils sont fabriqués par de petites mains asiatiques
exploitées sans vergogne.
Et pendant ce temps là, nos Ministres wallons, qui n’ont rien compris,
s’imaginent devenir des vedettes en rabotant de 10 % leur
misérable salaire évalué à ± 11.500 € net/mois. Mais qui
s’identifiera à ces stars au rabais, alors qu’aux yeux du monde ils ne
valent pas davantage qu’un joueur de foot de provinciale ?
Imaginez au contraire que les politiciens soient conscients de leur
valeur. Par exemple, l’équipe des Échevins de Soumagne où chacun(e)
aurait sans problème une centaine de fans. Ceux-ci achetant un t-shirt
à la gloire de leur idole, voilà déjà environ 50.000 € de bénéfice
pour faire campagne !
Au moins, en s’octroyant un salaire d’un million d’euros par an,
Stéphane Moreau l’avait-il compris. Certes, ce n’était pas comparable à
un footballeur de haut niveau, mais cela suffisait amplement pour être
le champion du bon peuple socialiste d’Ans.
Plus sérieusement, dans son livre au titre évocateur « Le
football, une peste émotionnelle » (2),
l’auteur précité nous explique que « Pour comprendre
ce “milieu”, ses règles opaques, ses trafics, ses magouilles et
tripatouillages, sa corruption endémique, ses “affaires”, il faut
évidemment l’inscrire dans son environnement réel, presque toujours
occulté par les zélateurs du ballon rond : l’affairisme
capitaliste. Le football est en effet l’un des dispositifs les plus
puissants et les plus universels de la logique du profit. »
Dès lors, comment admettre que les pouvoirs publics acceptent
d’intervenir financièrement dans la construction des complexes
commerciaux déguisés en stades dévolus à ce spectacle dévoyé ?
Comment est-il possible que des mandataires se réclamant de la gauche
se pressent pour s’afficher ostensiblement dans les loges des plus
grands clubs en compagnie des hauts dignitaires de cette mafia ?
Dans ce contexte, il n’est pas inutile de nous interroger sur notre
propre comportement. Dans quelle mesure, collectivement et
individuellement, sommes-nous prisonniers de notre addiction à ces jeux
du stade moderne ?
Sachant que la logique mercantile gangrène le milieu jusqu’aux
divisions inférieures, le niveau local ne devrait pas être exempté de
notre réflexion. Par exemple, quelle part de notre budget communal
réservé à la politique sportive attribuons-nous au football ?
Sommes-nous par ailleurs certains que nos subventions profitent
exclusivement à la jeunesse locale et qu’une portion de celles-ci ne
sert pas indirectement à rémunérer des joueurs adultes ?
Aller à contre-courant de ce monde fou qui court à sa ruine au nom du
roi argent n’est pas toujours facile. Néanmoins, il est de notre
responsabilité de mettre en exergue d’autres valeurs et d’essayer au
moins de se poser les bonnes questions.
Pascal
ÉTIENNE
Le 15 août 2017
(1) « Le Soir » du 10/08/2017
(2) Le football, une peste émotionnelle p.60
– Jean-Marie Brohm, Marc Perelman (Gallimard – Folio actuel)
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