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Publifin :
Où est le scandale ?
Les intercommunales
sont des institutions créées pour rendre des services que les communes
ne peuvent assumer seules. Par exemple, on n’imagine pas que chaque
commune ait son propre hôpital. Leur nécessité ne fait par conséquent
aucun doute.
Cependant, en Wallonie, ces organisations souffraient de deux défauts
majeurs.
- Leur
organisation souvent opaque,
manquant parfois totalement de transparence.
- Leur prolifération générant des
coûts abusifs, notamment relatifs à leurs directions et à leurs
Conseils d’Administration où siègent de nombreux mandataires locaux.
Sous l’impulsion du
Gouvernement wallon s’attaquant uniquement au deuxième problème, un
certain nombre d’intercommunales ont fusionné.
À
Liège :
En suite à la libération du marché de l’électricité,
l’ALE (Association Liégeoise d’Électricité) devient en 2007 Tecteo
Group regroupant 4 marques : RESA, VOO, Tecteo Invest et TECTEO
Energy.
En 2010, TECTEO RESA absorbe l’ALG (Association Liégeoise du Gaz).
En 2014, pour ajouter à l’opacité, un nouveau modèle de gouvernance des
structures du groupe est mis en place par l’entremise d’un holding
financier public liégeois dénommé. « PUBLiFiN SCiRL ».
Désormais, on retrouve sous sa coupe une société de droit privé NETHYS
INVEST échappant à tout contrôle public et où sont logées les
participations financières détenues par le groupe à savoir : Resa,
nethys energy, elicio, Voo, Be tv, Win, L’avenir.
Les
faits :
Les choses sont ainsi faites dans les affaires
qu’une situation suspecte ne devient un problème que si elle fait les
grands titres de la presse.
Qui dit fusion, en principe dit économie, c’est à dire notamment :
diminution des mandats chers à certains élus locaux qui doivent
approuver ces fusions.
Pour les aider à se faire Hara-Kiri, il a été imaginé d’ajouter
temporairement quelques mandats supplémentaires dans les nouvelles
structures. On inventa donc des
comités de secteur à l’utilité douteuse.
Chez Publifin, ces comités étaient composés de membres représentants
les trois partis traditionnels, PS, MR, cdH, et rémunérés
forfaitairement.
Chacun de ces partis y trouvant son compte, tout était donc pour le
mieux dans le meilleur des mondes, jusqu’à ce qu’un administrateur cdH
représentant la commune d’Olne parvienne à obtenir certaines
informations refusées à l’administrateur écolo, et les divulgue à la
presse.
Deux
éléments font scandale :
- Ces comités
de secteur étant tellement « bidons » que certains membres,
néanmoins rémunérés, ne trouvaient même pas utile d’y participer.
- Le
dénonciateur ajoute de
l’huile sur le feu en calculant le montant exorbitant perçu par chacun
par minute de
réunion, ce qui fit les choux gras des médias.
Il faut le reconnaître,
ce calcul est potentiellement
fallacieux, car si un mandataire exerce correctement sa tâche,
il passe bien plus de temps à s’informer et à étudier des dossiers qu’à
participer aux réunions.
Mais ces mandataires peuvent aussi, chose fréquente, « faire
confiance » aux dirigeants et se contenter d’approuver les
décisions sans connaître les dossiers. Ce qui semblerait être
particulièrement le cas ici, mais ne
nous autorise cependant pas à généraliser.
L’hypocrisie :
Au fur et à mesure de l’impact médiatique, ces
révélations ont provoqué des réactions politiques d’une hypocrisie sans
nom.
Ainsi, les dirigeants des partis bénéficiaires PS, cdH, MR, feignent de tout découvrir.
Certes, peut-être ne connaissaient-ils pas tous les détails, mais quand
on organise l’opacité, ce n’est pas pour cacher des choses parfaitement
honorables !
Épinglons notamment les Ministres du Gouvernement wallon MM. Magnette, Furlan et Prévot.
Alors que, d’une façon ou d’une autre, ils ont participé à
l’instauration de ce système en permettant la création de structures
échappant à leur contrôle, ils tombent à bras raccourcis sur les
lampistes. À leurs yeux, ceux-ci sont coupables de jeter le discrédit
sur le personnel politique et on les somme de rembourser les montants
indus desquels ils ont par ailleurs versé une contribution au
parti !
On en viendrait à oublier qu’ils
contournent eux-mêmes les règles pour cumuler leur mandat de
Bourgmestre et de Ministre wallon. À ce sujet, n’a-t-il pas
fallu une pression médiatique pour les faire renoncer il y a peu à un
accord PS - cdH - MR destiné à légaliser certains cumuls interdits
actuellement.
En outre, remarquons qu’il aura fallu de nombreux jours d’exposition
médiatique pour que, sous couvert d’une apparente indignation,
certains édiles du PS mettent en cause les organisateurs du système, à
savoir M.M. André Gilles (17 mandats dont 7 rémunérés) 1 et
Stéphane Moreau (17 mandats dont 8 rémunérés) 1.
Alors,
où est le scandale ?
- Dans le
chef des mandataires locaux qui ont perçu une rémunération non
justifiée par un travail effectif ? Sans aucun doute.
- Dans
le chef des responsables
MM. Gilles et Moreau, abusivement rémunérés, qui s’assurent
l’obligeance de subordonnés en mouillant les trois partis
traditionnels ? Bien
davantage.
- Dans le chef des responsables de
partis, prompts à faire la morale aux autres, mais qui, à tout le
moins, ferment les yeux quand ils ne participent pas eux-mêmes à des
actions éthiquement douteuses ? Assurément, le plus révélateur.
Qu’en conclure ?
Qu’on le veuille ou non, ces comportements
nourrissent les partis extrêmes que, par ailleurs, leurs auteurs
prétendent combattre.
Sont-ils l’apanage du secteur public ? Dans ce cas,
paradoxalement, c’est en organisant des sociétés de droit privé que les
antagonistes ont contourné les règles à leur profit.
Que l’on ne s’y trompe pourtant pas. Contrairement aux apparences, les
errements des rémunérations ne sont pas l’unique mésaventure. La source
principale de ces dysfonctionnements se trouve davantage dans les conflits d’intérêts consécutifs aux
cumuls.
Les éradiquer implique essentiellement d’appliquer trois règles
absolues :
- « On ne peut à la fois être le contrôleur
et le contrôlé ». Autrement dit, tout cumul de mandat à des
niveaux de pouvoir hiérarchiquement subordonnés (ex.
Bourgmestre-Député) devrait être totalement interdit. Sans exception
aucune !
- « La limitation des mandats dans
le temps ». Pour éviter que ne s’installent des pouvoirs
abusifs et la
professionnalisation du système, deux ou trois mandats maximum à un
niveau de pouvoir devraient être permis (à l’instar des mandats
présidentiels dans de nombreux pays).
- « Une totale transparence dans le
fonctionnement des institutions ». Seule, cette règle peut
garantir le respect des autres.
Ne soyons pas naïfs. C’est à
l’aune de ces réformes fondamentales que l’on verra la volonté réelle
des leaders politiques wallons de respecter la population et leurs
militants.
Et soyons réalistes.
Pour ce faire, une pression citoyenne accrue et persévérante, amplifiée
par les médias, sera indispensable.
Pascal
ÉTIENNE
Soumagne, le 22 janvier
2017
1 - Source « cumuleo.be »
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P.-S.
Que l’on me permette une réflexion supplémentaire liée à une actualité
concomitante. Serait-il moins choquant d’apprendre qu’un joueur de foot
soit payé un million et demi d’euros par mois et que les nouveaux
marchands d’esclaves de luxe auraient empoché 15 millions d’euros pour
la vente de ce sportif aux enchères ?
Pourquoi ce scandale d’une ampleur autrement gigantesque provoque-t-il
moins d’indignation
populaire ? Notre société est-elle à ce point
malade ?
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