La Misère
des Services publics – À vot’ bon Cœur !
Stimulée par le pillage
des ressources de notre planète, la pensée néolibérale domine le monde
depuis trois décennies. Malgré les signaux d’alarme climatiques, elle
se croyait volontiers invulnérable. Or, il a suffi d’un grain de sable
pour enrayer toute cette mécanique.
L’émergence d’un nouveau virus et
sa propagation fulgurante ont par conséquent toutes les
apparences d’une catastrophe planétaire, non seulement sanitaire, mais
aussi socio-économique.
Toutefois, souvenons-nous du proverbe « À
quelque chose malheur est bon ».
Ce que
la crise du coronavirus nous révèle.
Pour ceux qui ne le
voyaient pas, ou ne voulaient pas le voir, ces événements ont fait
éclater au grand jour toutes les fausses
valeurs véhiculées par les chantres néolibéraux de la
mondialisation. Quelle personne de bonne foi peut encore nier qu’après
avoir amplifié de manière exponentielle les inégalités, ce système nous
mène de surcroît à l’impasse ?
Plus concrètement, la
crise coronavirus a révélé la
grande misère de nos services publics. Certes, leur gestion n’a
jamais été parfaite, mais la politique menée au profit de la
privatisation a conduit à leur destruction plutôt qu’à leur
amélioration.
Ne caricaturons
cependant pas en épinglant les seuls libéraux. Fascinés par la
modernité de la toute-puissance des marchés ou soucieux de leur intérêt
personnel, des centristes et des socialistes égarés ont aussi largement
contribué à promouvoir cette
idéologie.
Pour pallier ces
déficiences, on a fait appel à la générosité des citoyens qui ont
toujours répondu favorablement aux campagnes telles que Cap 48, Viva
for life ou Téléthon, en faveur de nombreuses institutions sociales en manque de moyens.
Mais aujourd’hui, c’est
du jamais vu. Des services
publics qui font la manche, voilà la nouveauté ! Des
hôpitaux publics faisant appel aux dons et sollicitant l’aide de bénévoles
pour fournir à leur personnel des équipements de protection
élémentaires tels que masques et tabliers, est-ce tolérable ?
Comment en est-on
arrivé là ? Au nom du sacro-saint équilibre budgétaire par
ailleurs malmené par des décisions fiscales en faveur des nantis, les
autorités publiques ont négligé
de constituer des stocks de matériel nécessaires en cas de pandémie.
C’est un peu comme si,
dans une situation délicate, vous aviez fait le choix de ne pas payer
votre assurance incendie. Tant que tout va bien, on s’en félicite. Si un accident ou un événement naturel
exceptionnel survient, c’est la catastrophe.
Cette crise coronavirus
a aussi mis en lumière quelques éléments
paradoxaux. Nous en relèverons trois :
1. L’irruption à
l’avant-scène des métiers de service.
Jamais, autant
qu’aujourd’hui, n’est apparue l’utilité
sociale de métiers de service habituellement peu valorisés,
voire méprisés. Citons pêle-mêle : soignants, aides-soignants,
auxiliaires de nettoyage, éboueurs, chauffeurs, facteurs, etc. Sans
eux, rien ne fonctionne et pour eux, pas de télétravail !
2. Le retour des artisans.
Les couturières, dont
la formation a souvent été citée comme l’exemple type de la désuétude
de notre enseignement, sont aujourd’hui mises à l’honneur, surtout si
elles sont bénévoles !
3. L’appel au secours des
industriels.
Les patrons
d’industrie, qui hier encore ne juraient que par la privatisation, se
rappellent soudain qu’il y a un État. Sans vergogne, ils font appel à son aide financière.
L’irresponsabilité
politique.
Mais ce qui frappe
aussi les esprits, c’est que personne
dans le monde politique n’assume la conséquence de ses actes.
Soit on déserte en se réfugiant à l’Europe, soit on trône en première
ligne en ne se privant pas de nous faire la leçon.
Avez-vous entendu un.e
Ministre avouer les errements de sa politique qui a mené au
chaos ? Avez-vous entendu quelqu’un.e reconnaître sa responsabilité
dans le manque de moyens disponibles pour endiguer la pandémie ?
Au contraire, s’il manque de masques ou de possibilités de tests, on se
dérobe en vous expliquant que ce n’est pas prioritaire, voire
nécessaire.
Qui seront les premiers
à tirer les conclusions
de leur participation active au démantèlement des services
publics ? En d’autres temps, on démissionnait pour moins que ça.
Ce comportement n’est
pas de très bon augure pour l’avenir. Dès lors, un autre monde plus égalitaire et
durable est-il possible ? L’optimisme de la volonté nous
pousse à y croire, mais il s’agira d’être vigilant, déterminé et
combatif.
Ne nous berçons en
effet pas trop d’illusions. Pour s’en convaincre, il suffit de
constater que de nombreuses forces conservatrices et financières
s’emploient déjà à restaurer à
leur profit le système perturbé par ce vilain virus.
Pascal
ÉTIENNE
Soumagne, le 7 mai
2020
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