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Les chèques
solidarité de la commune de Soumagne

Chèque Solidarité, une
bonne Idée ?
Les répercussions économiques du
confinement lié à la propagation du coronavirus nous invitent à
reconsidérer notre manière de consommer. De nombreuses initiatives se
font jour. Pour autant, tout ce qui est neuf n’est pas nécessairement
progrès, ce qui devrait nous inciter à la réflexion.
Dès lors, considérons quelques idées à la base de nombreuses
initiatives au goût du jour.
Circuit
court.
Pour
des raisons écologiques et climatiques, la notion de « circuit
court » s’est imposée ces derniers temps. Le principe est simple.
Si on réduit la distance entre les producteurs et les consommateurs,
ces derniers ont une meilleure connaissance des conditions de
production, et les transports sont réduits. D’où, économies d’énergie
et réduction de CO2.
Pour le bien des hôtes de notre planète,
on ne peut donc que se réjouir de la popularité croissante de ce
concept. Cependant, on ne retient généralement que les situations à
notre avantage. Or, cela fonctionne dans les deux sens.
Ainsi, SOS faim nous rappelait
dernièrement l’absurdité de nos exportations de frites au Pérou au détriment des paysans locaux. Et
ce, au pays d’origine de la pomme de terre.
Consommons
local.
En
suite de la période de confinement, une notion apparemment parallèle
s’est développée : « Consommons local ». Le concept est
ici plus vague.
S’agit-il de consommer des objets et
denrées produits localement, ou simplement vendus par un commerçant
local ? Il ne s’agit donc plus ici nécessairement de circuit
court. Par ailleurs, la notion de « local » est sujette à
diverses interprétations.
- S’agissant de médicaments, on
envisage de
rapatrier leur production en Europe.
- S’agissant
de l’économie nationale, on évoquera la
Belgique.
- Puisque nous sommes un
pays fédéral, le local
devient la Wallonie.
- Puisque nous avons,
paraît-il, un esprit
principautaire, on privilégiera la province de Liège.
- Finalement, l’esprit de
clocher imposera sa
commune ou son village.
Quel est l’avantage sociétal si j’achète
à Soumagne plutôt qu’à Fléron
ou à Herve, à la même distance de mon domicile ? Selon cette
formule, les commerçants de Soumagne gagneront une clientèle
supplémentaire d’habitants de notre commune, mais perdront celle de
Fléron ou de Herve et inversement pour Fléron et Herve.
Finalement, avec ce repli sur soi,
l’opération est globalement à somme nulle pour tout le monde.
« Ma
commune first », c’est le principe du protectionnisme
s’apparentant à la vague populiste. Malheureusement, il résulte de la
caractéristique de cette méthode que si un partenaire s’engage dans
cette voie, les autres doivent l’imiter pour ne pas être victime du
système.
Solidarité.
Théoriquement,
la solidarité est définie comme « l’aide mutuelle que se portent
les citoyens unis par un sentiment de communauté d’intérêts ».
Cependant, dans l’esprit général, elle ne se conçoit que dans une
redistribution des ressources.
En ce sens, les plus défavorisés en
seront les principaux bénéficiaires. À ce propos, qu’en est-il dans
cette campagne « chèques solidarité » ?
Campagne
« Chèques solidarité ».
Exception des grandes surfaces, tel
qu’elle est organisée, cette campagne ne fait pas la distinction entre
les commerçants qui ont été autorisés à ouvrir pendant le confinement
et ceux qui ont subi un grand préjudice par l’obligation de fermeture.
De ce point de vue, l’objectif de
solidarité est donc peu rencontré. De même pour la population, il n’y a
pas d’effet redistributif puisque chaque citoyen reçoit 5 €,
quelle que soit sa situation.
On se doit de s’interroger également sur
l’efficacité financière du système. Tentons d’évaluer le coût communal
pour l’opération en formulant l’hypothèse que 80 % des chèques
soient retirés.
- 5 €/habitant, soit 17.000 x 5
x 80/100 = 68.000 €.
- Par contre,
le coût d’impression des chèques, de leur gestion et de
leur distribution ne nous est pas connu puisque ce type de marché
public n’est plus soumis au Conseil communal.
En tout état de cause, notre seule
référence actuelle est le budget de
90.000 € prévu par le Collège. Quoi qu’il en soit, l’impact sur le
commerce soumagnard restera de toute façon difficile à évaluer.
Conclusion.
Nous pensons que le pouvoir de
tutelle aurait été bien inspiré en empêchant les communes de se livrer
dans ce domaine à une concurrence et à une surenchère stériles.
Puisqu’il n’en est pas ainsi, essayons d’en envisager les bénéfices.
- Pour les citoyens, un léger
avantage ira aux familles nombreuses qui bénéficieront de plus de bons.
Cela dit, pour nombre d’entre nous, il y aura effet d’aubaine qui ne
changera rien à notre manière de consommer.
- Pour
les commerçants participants, le bénéfice risque
par conséquent d’être minime.
- La seule entreprise qui
en tirera des dividendes assurés est la société Boncado retenue par le
Collège communal pour gérer tout ce processus. De plus, si vous achetez
vos bons par internet, vous constaterez l’amalgame avec leurs bons
cadeaux classiques.
Si l’objectif était d’aider les citoyens
réduits au chômage, où pire sans revenu, n’eût-il pas été préférable de
donner des moyens supplémentaires exceptionnels au CPAS à cet
effet ?
Si l’objectif était de soutenir les
commerces fragilisés, n’eût-il pas été plus efficace de consacrer la
somme dévolue à cette campagne en aides directes aux commerçants
indépendants pouvant justifier d’un préjudice évident ?
Et pourquoi pas, poursuivre ces deux
objectifs ?
Pascal ÉTIENNE
Soumagne,
le 5 décembre
2020
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