|
L’église désaffectée
de Tignée
Résurrection
miraculeuse, mais Tout Reste à Faire !
Ce
fut d’abord RTC et La Meuse qui l’ont révélé, cette semaine c’est Le
Soir qui lui consacrait une page, bref l’église désacralisée de
Tignée a fait l’actualité. Que lui vaut cet honneur ? Elle
serait bientôt transformée pour y accueillir 7 logements.
Bientôt ? C’est à voir ! L’expérience nous a appris à nous
méfier des effets d’annonce. Les titres ronflants de la presse
trahissent quelquefois la réalité en donnant à un projet une allure de
certitude.
Par ailleurs, certaines déclarations
manquent de nuance. « Ce projet est extrêmement bien
accueilli » y assure par exemple le Bourgmestre Benjamin Houet.
Or, les réactions des citoyens sur les réseaux sociaux démentent
largement cette affirmation. Le moins que l’on puisse en dire, c’est
qu’il n’y a pas parmi les villageois unanimité à ce sujet.
Rappelons d’autre part un élément
essentiel. Si l’église a été fermée en 1998, ce n’est pas directement
lié à la problématique, certes bien réelle, de la désaffection des
paroissiens pour la pratique religieuse, mais pour cause de problème de
sécurité
du bâtiment.
Il n’est donc pas inutile de faire appel
aux documents en notre
possession ou que nous avons pu consulter pour dresser un
historique succinct de la situation.
Bref
Historique.
- L’église de Tignée fut construite
en 1868, incendiée par la foudre en 1906, réhabilitée en 1908,
mitraillée par le fort en 1940 et restaurée en 1950. Elle est la
propriété de la Fabrique d’église locale.
- Le
30/07/1997, l’expert M. Dutrecq du laboratoire de Gembloux constate que
certaines charpentes sont attaquées par l’insecte capricorne des
maisons.
- Le
29/07/1998, vu l’état des boiseries, le Bourgmestre prend un arrêté de
police en interdisant l’accès pour raison de sécurité.
- Nonobstant
le fait qu’en janvier 2000 le Bourgmestre Janssens confirmait que les
montants nécessaires à sa réfection seraient proposés lors de
l’élaboration du plan triennal 2001-2003, diverses réunions concernant
sa restauration n’aboutirent à aucun projet concret.
- Le
7/09/2005, le Vicaire Épiscopal R. Collinet agissant au nom de l'Évêque
de Liège demande au Ministre des affaires Intérieures d'interdire toute
l'affection au culte de cette église. La Fabrique d'église est mandatée
pour lui trouver une affectation qui corresponde à son histoire et à
l'attachement que la population lui porte légitimement.
- Le
6/04/ 2007, le ministre Courard confirme le courrier du 7/09/2005, et
en suite de l'avis du Conseil communal de Soumagne du 22/05/2006,
déclare l'église paroissiale Saint-Lambert de Tignée désaffectée.
- Le
1/09/2012, l’asbl « Rassemblement des sociétés compagnonniques
francophones en Belgique » signe un bail emphytéotique de 27 ans
afin
de rénover le bâtiment pour y installer un centre de formation.
- En
février 2013, les travaux de réhabilitation auraient dû débuter, mais
n’ayant pu obtenir les subsides européens espérés le projet est reporté
puis capote.
- En
mars 2019, l’asbl jette l’éponge et met fin à son bail. Le bâtiment
redevient propriété de la Fabrique d’église de Tignée-Évegnée.
- Le
6/05/2020, le Collège communal approuve la convention entre la commune,
l’intercommunale Ecetia et la Fabrique d’église. Selon les termes de
celle-ci, Ecetia, dont l’objet est de « construire et financer des
bâtiments utiles pour les Communes et les Provinces », étudiera, à
ses
frais et à ses risques, un projet immobilier visant à réaffecter
l'église de Tignée.
- En
décembre 2020, Ecetia présente les conclusions de son étude estimant
faisable le maintien de la structure extérieure de l’église et de la
tour, ainsi que l’aménagement de 7 appartements.
- Pratiquement,
Ecetia deviendrait propriétaire de l’église. Après aménagements, il la
louerait à l’AIS (Agence immobilière sociale) du Plateau de Herve.
Selon les conditions de ses statuts, l’AIS paierait les loyers à Ecetia
et mettrait, à coût modéré, ces logements à disposition de ménages
précarisés qu’il accompagnerait dans leur situation sociale.
L’état actuel de la
situation.
En juillet 1998, selon l’arrêté de
fermeture du Bourgmestre, le bâtiment menaçait
ruine !
Alors qu’à l’exception d’une unique
pulvérisation de la charpente, le bâtiment est à l’abandon depuis
plus de 22 ans, selon l’étude d’Ecétia, « l’église est en
suffisamment bon état pour être rénovée » !
Sauf à évoquer un miracle, comprenne qui
pourra la menace de ruine. Néanmoins, selon nos informations, outre
l’état controversé de la charpente, il semble indéniable qu’une
passerelle permettant l’accès aux combles est notoirement insécurisante
tandis que la toiture accuse son âge.
Quoi qu’il en soit, le directeur
d’Ecetia l’a déclaré : « actuellement, seule une étude de
faisabilité a été faite ». En réalité donc, on peut le faire,
mais tout reste à faire. En fonction des déclarations des
protagonistes, citons :
- Trouver un accord sur les
conditions détaillées du contrat de vente de l’église par le Conseil de
fabrique à l’intercommunale.
- Trouver
un accord pour l’achat de terrains nécessaires pour la construction de
parkings exigés en cas d’aménagement d’appartements dans un immeuble.
- Réaliser
ces achats ou leurs alternatives.
- Élaborer
complètement et déposer le projet définitif.
- Sachant
qu’un recours n’est jamais exclu, réaliser l’enquête publique et
obtenir le permis d’urbanisme.
- Trouver
les partenaires pour dégager les moyens de financement.
- Exécuter
les travaux.
Ce que nous en
pensons ?
Comme d’autres
anciens villageois, nous tenons fortement à sauvegarder ce patrimoine
qui a rythmé la vie locale pendant des décennies. Le projet actuel a du
sens, mais peut-être y avait-il d’autres possibilités ?
Qu’il nous soit permis de regretter qu’à
aucun moment de la procédure, nous n’avons connaissance d’un appel
public à projets ou à un concours d’architecte. Qui sait ? Si une
opération publicitaire d’envergure avait été lancée, peut-être
serions-nous en situation de choisir parmi plusieurs projets
intéressants ?
En tout état de cause, contrairement à
ce que laisse supposer les titres de presse, la route est encore
longue
avant l’aboutissement de la réaffectation de notre église.
Pascal ÉTIENNE
Soumagne,
le 20 février 2021
P-S. Vu de
l’arrière, on découvre ces affreux garages adossés au bâtiment
religieux, dont on doute fort qu’un jour une autorité administrative
ait autorisé cette implantation. Allô, l’échevin de l’Urbanisme et des
Fabriques d’église ?
|
|
|