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Et si on parlait aussi
de l’aspect financier ?
En ces temps où les échos de la guerre
se rapprochent de nos pays européens, nos petits problèmes de poubelles
nous semblent bien dérisoires. Néanmoins, il nous revient malgré tout
de respecter notre promesse de commenter le volet financier du passage
de la récolte des déchets par conteneurs à puce à partir du 01/01/2022.
Notre première réflexion concerne l’attitude des autorités communales.
Adepte, semble-t-il, du slogan de Mme Tatcher « Il
n’y a pas
d’alternative », le Collège communal de Soumagne s’est
employé à
imposer son projet sans ouvrir un vrai débat au sein du Conseil ou
d’une de ses commissions. Et pourtant, il y a dans ce domaine matière
à
réflexion, y compris
dans son aspect financier comme en témoigne la
suite de cet article.
Taxes
ou Redevances ?
Pour se financer
auprès de ses contribuables, la commune peut utiliser
deux techniques.
- La
taxe est un prélèvement obligatoire
indépendamment des services ou des prestations rendus au contribuable.
- La
redevance est par contre une rétribution que
le contribuable paie en contrepartie de services ou de prestations
fournis par la commune.
Dans un
règlement intitulé « Règlement taxe sur
l’enlèvement et le
traitement des déchets ménagers et assimilés », le
Collège
soumagnard a réglé cette problématique en mixant les deux techniques.
En
annexe, vous pouvez trouver sa transposition sous
forme de tableaux
synthétiques.
Réglementation
wallonne.
La nouvelle
réglementation wallonne en matière de gestion des déchets
s’articule théoriquement autour de deux
grands principes, ceux du
pollueur-payeur et du coût-vérité.
En
d’autres mots, elle vise à responsabiliser tous les producteurs en
vue de limiter leur production de déchets. Au niveau des ménages, elle
impose la couverture des frais réels liés à la gestion de leurs déchets
au travers d’une taxe sur les déchets ménagers avec un strict respect
de l’équilibre entre les recettes et les dépenses.
Pollueur-payeur.
Si l’on suit ce
raisonnement, chaque ménage devrait payer exactement le
coût du traitement de ses déchets. En réalité, ce
principe est bafoué
par l’instauration d’une taxe en partie forfaitaire, c’est à
dire qui
ne tient pas compte de l’utilisation des services à disposition.
Ainsi,
cette taxe
forfaitaire va permettre de couvrir
le service
minimum (la collecte et le traitement d’une certaine quantité de
déchets, la collecte des PMC, papiers et cartons, l’accès aux parcs à
conteneurs, les bulles à verre…).
Selon
sa production de déchets, chaque ménage pourra donc payer plus ou
payer moins que sa contribution réelle au coût de la récolte. Par
conséquent, celui qui, selon les recommandations, tend vers un
« zéro
déchet » ne sera pas
récompensé pour son attitude
particulièrement civique.
Certes,
dans une intervention sur Facebook, M. Mordant signale
qu’« avec Intradel, les communes
recherchent la façon de
“ remercier ” les ménages qui trient correctement, la
réflexion est en cours ». Ainsi, le Collège fait sienne la
formule
attribuée à M Van Acker « J’agis, puis je réfléchis » !
Par
contre, des
redevances seront appliquées pour les services
complémentaires (achat de sacs, collecte d’encombrants ou de
déchets
verts…).
Coût-vérité.
Selon le
principe du coût-vérité intégral, chaque contribuable devrait
payer précisément le coût des prestations et services qui lui sont
rendus.
La
réalité est toutefois quelque peu différente. Le
coût-vérité ne
s’appliquant pas individuellement, mais collectivement puisque
seul le
coût global est pris en considération. De ce fait, la
dénomination
coût-vérité est abusive puisqu’une forme de solidarité ira des
ménages
les plus zélés vers les ménages plus désinvoltes ou moins informés.
Selon
les exigences de la Région wallonne, la
commune doit donc
réclamer à ses citoyens l’entièreté du coût de la gestion des déchets
ménagers qu’elle prend en charge. Avec une tolérance de 5 %, ni
plus, ni moins.
Sachez
aussi que le coût global des services relatifs aux déchets à
payer par les contribuables est estimé dans le budget
communal 2022 à 1.138.365 €.
Par
contre, le compte de l’année 2020 — le dernier connu — nous
informe que la taxe immondices a rapporté 608.000 € et la vente de
sacs poubelles 285.600 €, soit au total 893.600 €.
Par
conséquent, le nouveau service de récolte séparée des déchets
organiques se solde par une
augmentation de 27 % à charge des
contribuables, ce qui nous paraît excessif.
Mesures
sociales.
Des
mesures sociales sont prévues ; nous nous en réjouissons.
Toutefois, dans une comptabilité analytique permettant précisément
d’identifier le coût-vérité, elles devraient selon nous être financées
par le CPAS et non mises à charge des autres contribuables par le biais
du « Règlement taxe ».
Certes,
le résultat global serait inchangé puisque le CPAS est
subventionné par les recettes communales, mais nous pensons qu’une
comptabilité détaillée est nécessaire pour prendre de bonnes décisions.
Communication.
« Tout
savoir sur le passage aux conteneurs », tel est
l’intitulé de l’article paru dans le Soumag de déc-2021-janv-fev-2022.
Vraiment ? Un encadré énonce par exemple les mesures sociales en
vigueur, mais à sa relecture on constate qu’il zappe
une information
essentielle.
En
effet, selon le règlement, on ne peut bénéficier de ces mesures que
si on a introduit une demande à l’administration communale avant
le
31 mars en l’ accompagnant des justificatifs. On peut donc
craindre que de potentiels bénéficiaires n’ayant connaissance que de
cette information tronquée du Soumag en soient exclus
pour un an. À
moins que le Collège prenant conscience de ce manquement n’allonge ce
délai pour cette première année. Mesure
qui nous paraît indispensable.
Ajoutons
à cela deux réflexions :
- Rappelons
encore une fois que ce nouveau système
« ne résulte pas d’une
obligation d’une directive
européenne » comme stipulé dans Soumag. La seule
obligation, dont
nous sommes de grands partisans, consiste à récolter séparément les
déchets organiques. Libre aux communes de choisir la méthode, par
exemple sacs ou conteneurs.
- Quand il s’agit de payer nos impôts,
l’administration connaît parfaitement notre situation. À l’heure de
l’ère informatique, il sera par conséquent difficile de nous faire
croire qu’il n’est pas possible de rendre ces réductions automatiques
sans nécessiter une démarche du contribuable.
Et si le résultat ne
correspond pas aux prévisions ?
Selon notre
Bourgmestre, le Collège a établi ses tarifs en se basant
sur l’expérience d’autres communes, tout en prenant la précaution de ne
pas devoir réclamer une augmentation pour les années futures.
En
d’autres termes, si les calculs du Collège se révèlent exacts, nous
débourserons plus que nécessaire les premières années. En
pareille
circonstance, d’autres communes ont prévu un remboursement du
trop-perçu, ce qui n’est pas le cas à Soumagne.
Mode
de paiement.
L’expérience des
communes passées à ce système avant nous a démontré
que de nombreux ménages étaient ébahis en recevant la première facture
de régularisation, quelquefois de plusieurs centaines d’euros.
Ces
ménages moins attentifs ou moins informés faisant, hélas, souvent
partie des plus précarisés, pourquoi ne pas avoir exploité cette
expérience pour adapter notre mode de paiement ? À ce propos, d’autres
formules étaient possibles :
- Il
eut été judicieux de prévoir une
période de
transition, par exemple d’un trimestre, à l’issue de laquelle
chaque
ménage aurait été informé de sa situation et des coûts supplémentaires
éventuels s’il ne modifiait pas ses habitudes.
- On aurait pu aussi se
donner des
objectifs de
poids dégressifs de façon à atteindre, par exemple après 2 ans,
les
taux actuels et les adapter ensuite à l’évolution des pratiques de tris.
- « Le
Collège s’aligne sur les pratiques
relatives à la fourniture d’eau ou d’électricité » faisait
encore
remarquer l’Échevin de l’environnement. Or, désolé
de le contredire,
mais ces institutions nous adressent des factures d’avance mensuelle ou
trimestrielle. Pourquoi ne pas utiliser la formule des factures
trimestrielles pour éviter une charge excessive pour certains ménages
lors du paiement simultané de la taxe et de la facture de
régularisation annuelle ?
Pesée aléatoire.
Quand un ami m’a
déclaré sa méfiance envers les pesées d’Intradel qu’il
a décidé de vérifier à chaque livrée, j’ai estimé sa suspicion
exagérée. En 2022, nous ne sommes plus au temps des dynamomètres à
ressort des « martchands d’clicotes » d’antan, ai-je pensé.
La technologie actuelle permet des pesages précis.
Or,
après que des citoyens aient constaté des erreurs non négligeables,
voilà qu’interpellé sur le sujet, Intradel admet que ses pesées sont
exécutées avec une
tolérance de 500 gr indigne d’un service public
contemporain !
Au prix
du kilo de déchets, cela peut faire quelques euros d’arnaque en
fin d’année pour ceux qui dépassent les quotas de base.
Cadeaux.
Selon le
calendrier Intradel, les ménages bénéficient gratuitement
de :
- Campagne
de dératisation du 07/03 au 09/03 et du
05/09 au 07/09.
- Une collecte des encombrants via la
Ressourcerie
du Pays de Liège.
- Un bon pour un rouleau de 5 sacs
transparents à
échanger avant le 30 juin 2022.
Il
s’agit évidemment là d’une formulation digne des campagnes
publicitaires commerciales. Tous les consommateurs le savent :
dans la vraie vie, rien
n’est gratuit.
En réalité, ces services ont été
comptabilisés et sont compris dans le
coût de la taxe forfaitaire sur la collecte des immondices.
Conclusion.
Il apparaît
clairement à l’analyse qu’au seul point de vue des coûts et
des tarifs, des
alternatives étaient possibles. Nous en avons épinglé
quelques-unes, les citoyens en avaient sûrement d’autres à faire valoir.
Autrement
dit, le Collège n’a pas agi sous la contrainte des
réglementations, mais a opéré des choix en s’asseyant
sur les principes
de participation citoyenne dont on nous avait gavés lors de la
formation de cette majorité.
Certaines
mesures préconisées sont encore possibles, mais nous
écoute-t-on ?
Pascal
ÉTIENNE
Soumagne,
le 14 avril 2022
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