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Des
Prémices… aux Horreurs de la Guerre
Dans
ces chroniques de politique locale, il peut paraître anachronique
d’évoquer les aléas de la guerre. Comment cependant ignorer ce sujet
alors que les conséquences de la guerre Russo-Ukrainienne impactent
considérablement notre quotidien ?
Quand un conflit armé impliquant une grande puissance dans la sphère
occidentale dégénère en guerre, le monde entier se réveille. La plupart
des pays choisissent leur camp, les pacifistes sont désemparés, les
va-t’en guerre et les marchands d’armes se frottent les mains, de
grandes multinationales actives dans les domaines stratégiques
s’enrichissent scandaleusement, tandis que des populations entières
souffrent le martyre.
On est dès lors autorisés à se poser la
question « N’aurait-on pas pu éviter cela ? Était-ce
imprévisible ? ».
Ce qui était en tout cas prévisible, ce
sont les
attributs d’une guerre. Quels que soient les protagonistes, on retrouve
les mêmes ingrédients. Citons-en quelques-uns.
Les
Responsabilités.
Dans
un conflit, il y a rarement un démon tout noir d’un côté et un ange
tout blanc de l’autre. Cette simplification extrême ne cadre pas avec
la réalité qui est toujours plus complexe.
À cet égard, parmi les informations qu’il
m’a été
personnellement donné de lire ou d’écouter dernièrement, j’ai retenu
deux documents qui m’ont paru indispensables à la compréhension du
contexte. Vous les trouverez en annexe de cette chronique.
D’une part, un
article de l’expert David Teurtrie
publié dans le mensuel « Le Monde diplomatique » de février
2022 sous
le titre « Ukraine, pourquoi la crise ». Il nous dresse en
résumé un
historique de la situation dès avant l’entrée en action massive de
l’armée russe.
D’autre part, ce n’est pas parce qu’il est
issu d’un média de droite que le témoignage de l’académicien
Andreï Makine n’en est pas moins utile à notre réflexion.
Qu’il n’y est cependant pas d’ambiguïté.
Rien
n’autorise un pays à envahir un autre au motif d’une improbable menace.
Dans ce cas, le pouvoir russe symbolisé par son Président tout puissant
est l’agresseur. Il n’y a aucun doute à ce sujet.
Les
Conventions de Genève.
Pour
stigmatiser tel ou tel excès des troupes militaires, on invoque les
Conventions de Genève. Celles-ci et leurs Protocoles additionnels sont
des traités internationaux qui contiennent les règles essentielles
fixant des limites à la barbarie de la guerre. Ces traités protègent
les personnes qui ne participent pas aux hostilités (les civils, les
membres du personnel sanitaire ou d’organisations humanitaires) ainsi
que celles qui ne prennent plus part aux combats (les blessés, les
malades et les naufragés, les prisonniers de guerre).
Mais il ne faut se faire aucune illusion,
la « guerre propre » n’existe pas.
La guerre n’est pas une compétition
sportive. S’il y a
des règles, il n’y a pas d’arbitre puisque le Conseil de Sécurité de
l’ONU qui pourrait jouer ce rôle est paralysé par le droit de veto des
grandes puissances.
Dès lors, tous les moyens étant bons pour
gagner, ne nous étonnons pas si certaines règles sont régulièrement
transgressées.
La
Communication.
En
temps de guerre, pour de bonnes, ou surtout de mauvaises raisons, le
mensonge constitue une arme employée par tous les belligérants.
Cette dernière catastrophe nous rappelle
l’invasion
illégale de l’Irak pat les États-Unis en 2003, elle aussi sur fond de
propagande mensongère largement relayée par les médias comme
le souligne « Le Monde diplomatique ».
Invoquer des menaces fantasmées, s’attirer
la sympathie
de possibles alliés, galvaniser ses troupes, entretenir le moral de sa
population, mais aussi déshumaniser l’adversaire, saper le moral de
l’ennemi, terroriser la population adverse sont autant d’arguments
motivant le recours à la désinformation.
Ainsi donc, les plus pervers mentent
effrontément sur
toute la ligne, les plus vicieux glissent leurs mensonges parmi
quelques vérités, les plus réservés pèchent par omission en ne
diffusant que les vérités qui les arrangent. Et s’il fut un temps où
les images pouvaient faire office de preuve, nous savons aujourd’hui
que c’est un jeu d’enfant de les manipuler.
Il s’agit par conséquent de ne rien prendre
pour argent comptant.
Quand la guerre est déclenchée et que nous
sommes
submergés par un flot d’informations diverses ou unilatérales, il est
bien difficile de se faire une idée de la situation exacte sur le
terrain. Ainsi, l’un dira que l’on a ciblé des populations civiles ou
des institutions de soins, l’autre que l’adversaire s’en est servi
comme bouclier humain ou comme refuge pour des guerriers.
Seuls les historiens pourront peut-être un
jour
rétablir la vérité, quoique les livres d’histoire ne racontent souvent
les conflits que du seul point de vue d’un protagoniste.
La
Censure.
Non
seulement on nous ment, mais, si possible, on empêche quiconque de
divulguer la vérité. En témoigne encore, digne des pires dictatures,
cette nouvelle loi promulguée par le Kremlin selon laquelle toute
information diffusée et contradictoire avec le discours officiel est
considérée comme mensongère et passible de lourdes peines de prison.
Les
Cibles civiles.
À
juste titre, les attaques contre des populations civiles de tous âges
en Ukraine nous scandalisent. Nous ne pouvons cependant suivre ceux qui
voudraient nous faire croire qu’il s’agit là d’une première dans
l’« art de la guerre ».
Sans revisiter nos cours d’histoire
contemporaine, aurions-nous déjà oublié la Shoah, Hiroshima,
Nagasaki ?
Les
Réfugiés.
Toute
guerre génère son lot de réfugiés plus ou moins bien accueillis dans
leur pays hôte, quelquefois en fonction de critères ignobles, tel par
exemple leur couleur de peau ou leur religion.
Ni en Europe, ni dans notre propre pays,
les
conséquences de la guerre d’Ukraine, ou d’autres de par le monde, ne
font exception à la règle.
La
Torture.
Quand
des militaires jouent leur survie, pratiquer la torture pour extorquer
des renseignements de la part d’ennemis capturés est une pratique
légitimée par toutes les armées de ce monde. Que l’on se souvienne de
la France en Algérie ou des États-Unis dans leur lutte contre les
Islamistes.
Elle peut être l’œuvre d’initiatives
individuelles sur
le terrain, d’une stratégie assumée, ou même institutionnalisée comme à
Guantánamo. N’est éventuellement sanctionnée que la torture gratuite,
sadique, perverse.
L’histoire le démontre, le seul moyen
d’éradiquer la torture, c’est d’éradiquer la guerre !
Les
Religions et les Églises.
Il y a
malheureusement peu de guerres où n’interfèrent pas des éléments
religieux, souvent instrumentalisés par les dirigeants.
Pour les populations stigmatisées,
l’appartenance
religieuse n’est généralement que le révélateur ou le marqueur d’une
situation sociale, et c’est celle-ci qui est déterminante.
Même à supposer les bons droits éventuels
d’un
belligérant, il est particulièrement odieux de justifier par la
religion un bain de sang et de désolation dont les populations les plus
vulnérables paient toujours la note. Le summum de cette imposture étant
d'appeler à la rescousse l’image du Christ, alors qu’il a sublimé la
non-violence jusqu’au sacrifice suprême.
Ainsi, a-t-on entendu Poutine citer
l’évangile pour
justifier son agression. Elle-même, semble-t-il, approuvée par le
Patriarche de Moscou.
La Fin.
Toute
guerre, dût-elle durer cent ans, doit bien finir un jour, aussi
l’expérience nous apprend-elle qu’il n’y a rien de plus difficile que
de trouver une solution négociée à un conflit armé. Raison de plus pour
ne pas le commencer !
Peut-être y a-t-il des causes qui
justifient de
sacrifier autant de vies humaines et de générer autant de
souffrance ?
En ce qui nous concerne, nous faisons plutôt honneur aux pacifistes qui
excluent de toutes leurs forces l’emploi de ces moyens barbares. Après
tout, ce sont les seuls pouvant affirmer : « si chacun
suivait notre
exemple, il n’y aurait plus de guerres ».
À cet égard, il est bon de rappeler que
dans notre
jeunesse, le service militaire était obligatoire et valorisé
culturellement. Dès lors, fallait-il être extrêmement déterminé pour
refuser de prendre les armes par objection de conscience. Cette
attitude se soldant à cette époque par de lourdes peines de prison et
autres rejets de la société.
Gloire donc aux précurseurs de la
non-violence. Comment
ne pas citer le Mahatma Gandhi qui a démontré que la non-violence
pouvait aussi engranger des résultats ou Jean Van Lierde
qui nous fascinait par son combat pour le « droit au refus de
tuer ».
Cependant, personne n’étant parfait, nous n’avions pas le courage de
l’imiter.
Notre apathie, encore actuelle, nous
condamne-t-elle à
accepter d’amplifier sans mesure les dépenses militaires au détriment
des urgences écologiques et sociales en faveur du bien des peuples, ou
montrerons-nous à nos gouvernants notre opposition à la culture du
recours à la violence pour régler les conflits nationaux et
internationaux ?
Ah, si en plus du climat, la jeunesse
pouvait aussi se mobiliser pour cette noble cause !
Pascal
ÉTIENNE
Soumagne, le 21 mars 2022
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